« Lorsqu’on parle de violences, ce qui m’a marqué, ce sont les regards qui se détournent. Regardons les choses en face. Je suis une simple citoyenne, mais je suis venue avec l’objectif de briser le silence. » Cette participante à la table ronde, organisée sur le campus Rockfeller de l'université de médecine Lyon 1 ce mardi soir, veut libérer la parole. La sienne et celle des autres femmes. Brisons le silence, c’est justement le nom du festival qui se tient du 13 au 28 novembre dans la métropole de Lyon. Évènement dans le cadre duquel avait lieu la conférence « Lutter contre les violences sexistes, la formation des futures soignant.es ».
Le festival Brisons le silence, qui en est à sa 19e édition, c'est 15 jours d’actions culturelles de sensibilisation contre les violences sexistes et conjugales avec en point d’orgue la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Sensibiliser et donner des leviers d'action
Brisons le silence est organisé par l’association Filactions. Fondée en 2005, elle organise des actions de sensibilisation et de prévention contre les violences sexistes et conjugales sur plusieurs volets. Elle intervient auprès des jeunes de 12 à 25 ans pour mener des ateliers, des activités en utilisant des outils d’éducation populaire. L’association s’adresse aussi au grand public, notamment à travers le festival, mais aussi toute l’année avec des débats ou au cours de balades urbaines pour découvrir des portraits de femmes et « sensibiliser sur la question des inégalités et de l’invisibilité des femmes dans notre culture et dans l’espace public », explique Coline Seveau, chargée de prévention au sein de l’association. Le dernier volet d’actions de l’association consiste à sensibiliser des publics professionnels. « On peut intervenir auprès des équipes pédagogiques d’un établissement professionnel, des éducateurs, des assistantes sociales, des clubs sportifs etc. », détaille Coline Seveau. L’objectif est de sensibiliser, mais aussi de donner des outils pour savoir réagir face à des situations.
Par exemple, une animatrice de MJC, n'est pas forcément formée pour savoir comment réagir si demain une jeune vient se confier à elle sur une situation de violence.
Coline Seveau, chargée de prévention à Filactions
Les étudiants en santé, victimes et témoins
Côté étudiant, l’association sensibilise et forme également les membres des bureaux des associations étudiantes.
Cette table ronde à destination des futures soignantes et soignants dans le cadre du festival est donc à la frontière de plusieurs secteurs d’intervention de l’association.
Car au cours des études médicales, les violences sexistes et sexuelles (VSS) sont malheureusement monnaie courante. En mars 2021, une enquête de l’association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) révélait que 39 % des étudiants avaient déjà subi des remarques sexistes, 32 % du harcèlement et 15 % des agressions sexuelles.
Récemment, plusieurs organisations étudiantes ont d’ailleurs créé un violentomètre spécifique pour repérer les VSS à l’hôpital. L’association lyonnaise C.L.I.T. (collectif libre inclusif pour tou.te.s), présente à la table ronde, y a participé. Depuis sa création, elle mène des actions pour lutter contre les VSS dans le milieu étudiant et hospitalier, mais aussi pour aider à la prise en charge par les soignants des victimes de violences. Car la table ronde du festival s’adresse aussi aux futurs soignants en tant que professionnels. Leur place auprès des victimes de violences peut être essentielle.

« C’est très important de s’exprimer devant des futurs médecins, témoigne une participante dans la salle, elle-même victime de violence. Vous avez un rôle particulier unique. La première fois qu’on parle, on sait que l’on aura d’autres occasions de parler. Et c’est le seul service qui nous est accessible financièrement ».
Et à l’échelle des soignants, briser le silence, c’est déjà poser la question, systématiquement. « Car le plus souvent, quand on les interroge, les personnes répondent », explique l’historienne Muriel Salle. Mais les soignants doivent aussi être prêts à réceptionner cette parole « on ne s’improvise pas écoutants, une partie de la formation des étudiants doit reposer sur le fait de savoir orienter et vers qui », ajoute-t-elle.
Et ce qui est valable pour les soignants, l’est aussi à plus grande échelle.
Plus on en parle, plus on peut repérer et identifier, plus on peut orienter.
Coline Seveau
Une parole qui se libère
Lefestival Brisons le silence est donc là pour faire comprendre à tous les publics les mécanismes des VSS pour mieux les prévenir. Expositions, conférence gesticulée, pièces de théâtre, concerts, spectacles d’humour, cirque, mais aussi manifestation le 25 novembre… tous les moyens sont bons pour briser le tabou des violences et distribuer des ressources aux potentiels témoins et victimes. Retrouvez le programme complet du festival jusqu’au 28 novembre.
« Dans notre programmation, nous avons beaucoup d’artistes femmes, l’objectif est aussi de revisibiliser le travail des femmes à travers le festival », souligne Coline Seveau
En presque 20 ans d’existence, le festival a pris de l’ampleur, preuve que le sujet est davantage pris en compte. « Le festival durait une soirée, aujourd’hui, il se déroule sur 15 jours. On co-organise des manifestations qui peuvent réunir des milliers de personnes », constate Coline Seveau.
Le silence se brise petit à petit, même s’il reste du bruit à faire.