Hospitalité et nouveaux départs
Des terrains vagues se transforment alors en centres d’hébergement d’urgence pour au moins trois ans, comme la Station Rockefeller à Lyon 3 où de petits bungalows préfabriqués ont été installés pour héberger 52 jeunes migrants. À Villeurbanne, la Métropole a rapidement mis sur pied tout un village de tiny houses pour accueillir 17 familles, des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans. Même principe dans le 9e arrondissement avec Les Amazones : 20 maisons de poche occupent l’ancien dépôt de sel de la Métropole.
Dernier en date, le Cocon à Oullins-La Saulaie, où la Métropole, avec l’aide d’associations, loge 22 familles en attendant le coup d’envoi du projet urbain sur cette immense friche de 20 hectares.
Bien plus qu’un toit, dans ces habitats mobiles, les personnes vulnérables retrouvent l’intimité et la dignité nécessaires à un nouveau départ après des parcours de vie difficiles. « Il y a du lien social qui se crée, de la solidarité de quartier prend racine autour de ces villages », assure Béatrice Vessiller, vice-présidente de la Métropole à l’Urbanisme et au cadre de vie.
Au total, ce sont 432 personnes mises à l'abri avec l'aide des associations.
Un tremplin pour les entreprises
Ultraflexibles et super accessibles : ces grands volumes vacants permettent de démarrer une activité en limitant la prise de risque. Peu de frais à débourser avec des loyers en moyenne 30 à 50 % en dessous du prix du marché. La souplesse d’arriver et de repartir facilement. Un mois de préavis seulement. « Et si la mayonnaise prend, on peut renouveler le bail. »
Julie Pinson en sait quelque chose, elle gère les Ateliers Briand à Saint-Priest : 1 000 m2 de bureau, 10 000 m2 de halles, 36 entreprises installées pour trois ans. « Renouvelables trois ans. C’est idéal quand on se structure. Le temps de trouver son modèle économique, ses financements, ses partenaires, de tester son projet… » Certains occupants rejoindront des sites conventionnels une fois leur activité bien rodée. « D’autres lâcheront la rampe parce qu’ils réaliseront que leur activité ne tourne pas - sans y laisser trop de plumes. » Un constat partagé par Béatrice Vessiller : « On s’autorise beaucoup plus d’options dans le transitoire car la prise de risques est limitée. Les bonnes idées vont prendre et pourront ensuite trouver leur place dans le pérenne. »
Au départ, ils viennent chercher du m2 pas cher. Et ils trouvent une communauté de travail soudée avec laquelle ils partagent des galères, des coups de main, des réussites.
Julie Pinson,
gestionnaire des Ateliers Briand chez Intermède
L’allée du Textile à Vaulx-en-Velin, l’Étape 22D à Villeurbanne, les Ateliers Briand à Saint-Priest… Grâce à l’urbanisme transitoire, la Métropole peut proposer des espaces moins chers aux acteurs de l’ESS. Mais pas que. « Il y a une mixité hyper intéressante, des sites et des coopérations se mettent en place naturellement » analyse Julie Pinson. Ainsi, trois structures des Ateliers Briand ont mis au point des tables de bar 100 % recyclées. Inclusion, spécialiste de l’insertion, a mobilisé ses équipes pour désosser d’anciens gradins et récupérer le métal. Lequel a servi à fabriquer le pied imaginé par Be Process, chaudronnier de son état. Pendant que Tizu s’attelait au design du plateau.

Culture alternative
Les professionnels du secteur culturel ont été les premiers à voir les possibilités grandioses de l’urbanisme transitoire. Capacité d’accueil, terrain de jeu artistique, prix de location imbattable, occupation événementielle : les anciens sites industriels aux proportions monumentales cochent toutes les cases. À ce titre, l’ancien technicentre SNCF à La Mulatière est en passe de devenir le nouveau spot culturel de la métropole.
Faites place à la nature !
Moins de bitume, plus de végétation : c’est une demande forte des habitants. La Métropole explore aussi le potentiel fertile des terres en friche. Les jardins partagés des Marronniers à Fontaines-sur-Saône en sont un bel exemple. L’objectif est de créer du lien entre les résidences et l’école des Marronniers grâce au jardinage. Et ça prend ! Concrètement, une grande bande de 2 600 m2 accueille une pépinière, un jardin partagé et une zone de liberté où les enfants peuvent jouer au grand air.
Du côté de Villeurbanne, plusieurs projets d’agriculture urbaine sont nés de l’occupation temporaire “Laboratoire des Gratte-ciel”. Et depuis décembre à Bron, les 10 000 m2 libérés après la démolition d’UC1, une des plus grandes barres d’immeubles de France, sont utilisés pour stocker, assainir et fertiliser la terre des chantiers de la métropole. Avant de la réinjecter pour des plantations futures. On touche du doigt l’économie environnementale et circulaire.

Tester avant les grandes manœuvres
L’urbanisme transitoire permet aussi de tester plusieurs options avant de trancher en faveur de l’aménagement définitif d’un espace public.
À Villeurbanne, par exemple, sur la place Grandclément, en parallèle de la construction du tram T6, la Métropole a pu tester différentes installations au fil des saisons avec les habitants : coin pique-nique, aire de jeux, manège, brumisateurs et voiles d’ombrage au plus fort de l’été.
C’est aussi le cas à Lyon 3 : en attendant les travaux sur la place des Martyrs de la Résistance, juste devant l’école Léon-Jouhaux, le parking a été supprimé et les usagers peuvent profiter de bancs et de gradins sous les platanes, et même d’un circuit pour apprendre à faire du vélo. « On profite du temps long de la transformation urbaine pour tester une multitude de projets en lien avec nos politiques publiques, explique Béatrice Vessiller. Sans l’urbanisme transitoire, ces projets n’auraient jamais pu voir le jour. »