Prévention spécialisée : une main tendue

Les éducateurs de rue vont au contact des jeunes âgés de 10 à 25 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Reportage sur le plateau des Minguettes à Vénissieux.

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Des immeubles en réhabilitation, d’autres en attente de destruction, de belles voitures, d’autres stationnées pour une durée indéterminée. Des visages qui se reconnaissent sans se dévisager. L’accolade est franche, sincère. Le sourire va avec. La politesse n’est pas une formalité. Parce qu’ils se connaissent, ils se respectent. Sur le plateau des Minguettes, les éducateurs de prévention spécialisée Estelle Mendes et Mohamed Hamidi s’intéressent aux préoccupations des jeunes : scolarisation, insertion, orientation professionnelle, sensibilisation aux addictions… 

Ils sont un repère, une boussole, une oreille attentive et ils sont des personnes de confiance. « On ne triche pas avec eux, on a des rapports francs sans être moralisateurs, c’est le socle de notre mission », défend Mohamed Hamidi, en place sur le quartier depuis huit ans et qui a débuté comme éducateur dans le médico-social il y a 25 ans.

« L’éducatrice m’a aidé à retrouver un lycée »

Les jeunes ont leurs habitudes, les éducateurs savent où les trouver. Ça chambre gentiment, comme cela se fait entre amis de longue date, quand les frontières sont connues de tous. Pour ces jeunes, les éducateurs de rue sont une réponse. « Estelle m’a aidé à retrouver un lycée, elle me suit dans mon orientation, la serrurerie », confie Islem*. Karim* peine à trouver une école spécialisée dans la vente, là encore Estelle Mendes l’accompagne pour accomplir les démarches administratives. « On doit répondre rapidement à leurs demandes, au risque de les perdre. On s’adapte beaucoup, on a parfois besoin de faire preuve d’autorité mais pas punitive. De l’équilibre entre cette proximité et notre professionnalisme dépend notre crédibilité. » 

À quelques blocs de là, un autre groupe. L’accueil est tout aussi expressif. « Ils marchent à l’instinct », réagit l’éducateur de rue. Parce que ce jour-là il fait particulièrement froid, Rachid* fait une demande assez surprenante : « C’est quand qu’on part au ski ? » Aussi improbable que cela puisse l’être, il existe une culture de la montagne sur le plateau des Minguettes. Estelle Mendes imagine plutôt un travail autour de la photo, elle propose aussi de les aider à organiser un voyage. « Ah ouais, on va à Phuket (Thaïlande) ! », plaisante un autre jeune.

*prénoms d'emprunt

Au plus près des jeunes

La Métropole de Lyon pilote la prévention spécialisée dans le cadre de sa compétence en matière de protection de l’enfance. Depuis le 1er septembre 2025, les éducateurs de rue peuvent accompagner des jeunes dès 10 ans pour lutter contre le décrochage scolaire. Pour gagner en efficacité, leurs périmètres d’action ont été réorganisés. Leur présence dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où vivent près de 60 000 jeunes âgés de 10 à 25 ans, a été renforcée, tout en maintenant une veille active dans les quartiers populaires. Leur nombre ne change pas : on recense 110 éducateurs de rue, salariés d’associations habilitées (Acolea, Sauvegarde 69 et la fondation AJD) ou agents de la Métropole. En 2024, ils ont accompagné 4 283 jeunes.

Un premier pas avec les chantiers éducatifs

« Tous nos services se font sur le principe de la libre adhésion, autrement dit ce sont bien les jeunes qui restent moteurs de leur destin. Ils attendent avant tout d’être soutenus. Ce n’est pas la peur de l’échec qui les freine. La finalité de notre travail, c’est leur autonomie », explique Mohamed Hamidi. 

Et pour leur montrer la voie, les chantiers éducatifs sont un bon exemple. Le principe est simple : un bailleur social formule un besoin auprès de l’association Sauvegarde 69 dont dépendent les éducateurs. « On peut nous demander par exemple de repeindre une allée d’immeuble. On compose alors une équipe de six jeunes à qui on rédige un contrat de travail d’une ou deux semaines à temps plein, au Smic horaire. Il y a deux ans, nous avons réalisé seize chantiers éducatifs », précise Estelle Mendes. 

Il y a d’ailleurs une belle histoire à raconter sur le sujet. « Un jeune de 18 ans aimait faire de la peinture mais n’était pas prêt pour suivre les codes d’une vie en entreprise. Grâce aux chantiers éducatifs, il a pu intégrer les Restos du cœur comme peintre en insertion. Aujourd’hui il est en passe d’être salarié », se félicite Mohamed Hamidi. 

Ramassage de déchets, rénovation, participation à la fête du quartier sont d’autres moyens pour impliquer les jeunes, le fameux “pouvoir d’agir” comme le répètent les éducateurs. 

Mission locale, Centre communal d'action sociale, commune, présence sociale dans les collèges, les partenaires de la prévention spécialisée sont nombreux. La Protection judiciaire de la jeunesse également. « On nous demande aussi d’accompagner les proches pour aller voir leur enfant en cas d'incarcération. On travaille leur sortie de détention avec le Service pénitentiaire d'insertion et de probation. On réalise alors qu’on est plus que des éducateurs de rue », conclut Estelle Mendes.

Solidarités

Pour la Métropole de Lyon, la solidarité est l'affaire de tous. Elle s'adresse à ceux qui recherchent un emploi, aux parents en quête d'un mode de garde, à ceux qui ne trouvent pas à se loger ou aux personnes âgées et porteuses de handicap.
Dernière mise à jour le 24 novembre 2025

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