À l'occasion du dépôt des archives de l'Institut Mérieux et de la Fondation Mérieux, Emmanuelle Giry, conservatrice du patrimoine en charge des fonds jusqu'en 1940 et des fonds d'archives privés, et Marie-Ange Villeret, responsable de la collecte et du traitement des archives autour de la santé au sein des Archives départementales et métropolitaines, reviennent sur les enjeux de ce versement et leur portée pour le patrimoine local.
Fondé en 1897 par Marcel Mérieux comme un laboratoire d'analyses médicale, l'Institut Mérieux est devenu en plus d'un siècle un acteur international de la santé humaine et animale. Présent dans 45 pays, le groupe intègre 23 000 salariés au sein de quatre sociétés et a réalisé 4,7 milliards d'euros en 2024. La Fondation éponyme, créée en 1967 par Alain Mérieux, petit-fils du fondateur, est engagée dans la lutte contre les maladies infectieuses dans le monde et en particulier dans 25 pays.
« Une démarche volontaire »
L’Institut Mérieux et la Fondation Mérieux confient leurs archives aux Archives départementales et métropolitaines. En quoi ce dépôt consiste-t-il ?
Emmanuelle Giry : Cette initiative provient d’une démarche volontaire de l’Institut Mérieux et de la Fondation Mérieux : il n'y a jamais d'obligation pour un acteur privé de confier ses documents à un service public d'archives. Cela s’inscrit dans une démarche de valorisation et afin de faire connaître l’épopée industrielle de l’Institut.
Au-delà de l’intérêt patrimonial, ces archives ont une valeur importante pour les chercheurs.
Emmanuelle Giry
On parle de l’équivalent de 60 mètres d’archives issus de l’Institut et de la Fondation Mérieux. Quel est l’intérêt historique de ces documents ?
Marie-Ange Villeret : Ce dépôt d’archives concentre un ensemble de supports variés allant de documents papiers, de sources audiovisuelles, diapositives ainsi qu’une importante photothèque. Les premiers documents remontent à 1880 avec les archives personnelles de Marcel Mérieux, le fondateur du groupe en 1897, mais aussi de documents issus du fonctionnement de l’Institut Mérieux depuis sa création, son rayonnement en France et dans le monde. Au-delà de l’intérêt patrimonial, ces archives ont une valeur importante pour les chercheurs.
« Conserver ces documents pour l’éternité »
Pourquoi ce versement aux Archives départementales et métropolitaines intervient aujourd'hui ?
Emmanuelle Giry : L’Institut Mérieux dispose d’un musée de sciences bactériologiques Dr Mérieux à Marcy-L’Étoile qui valorise déjà son patrimoine. Pour autant, la famille Mérieux a été convaincue de la plus-value scientifique que cela représentait. Le travail de conservation en archives et de valorisation en musée sont complémentaires et nullement concurrents. En 2023, nous avions organisé une exposition sur l’histoire hospitalière du territoire lyonnais. Ils ont constaté la complémentarité entre leurs fonds et ceux qu’on avait et le fait que de nombreux chercheurs venaient faire des recherches dans ce domaine auprès des Archives. Lorsqu’on accepte une entrée d’archives issues du privé, nous faisons le choix de conserver pour l’éternité ces documents en fonction de leur intérêt historique et patrimonial. Avec ce dépôt, c’est une manière d’inscrire l’histoire de Mérieux dans le patrimoine du territoire.
Les archives témoignent aussi bien de l’histoire industrielle de l’Institut que des avancées du développement et de la production de vaccins en santé humaine et animale.
Marie-Ange Villeret
Parmi les archives versées, y a-t-il des documents qui sortent du lot ?
Marie-Ange Villeret : Ces archives témoignent aussi bien de l’histoire industrielle de l’Institut que des avancées sur le développement et la production de vaccins en santé humaine comme celui contre la polio et en santé animale avec le vaccin contre la fièvre aphteuse. Nous avons aussi des cahiers de cours que donnait Marcel Mérieux à destination des étudiants en pharmacie et en médecine vétérinaire.
Nous avons par ailleurs des documents sur l'épopée Mérieux au moment de la grande épidémie de méningite au Brésil en 1974 et 1975. À cette période, le Brésil se tourne vers la France et l’Institut Mérieux, seul à disposer du vaccin, afin de permettre la vaccination de dix millions de personnes en moins de dix jours.
De même pendant la Seconde guerre mondiale, l’Institut Mérieux a été sollicité pour fabriquer un fortifiant pour les enfants souffrant de malnutrition à partir de sang de bœuf. Tout cela a été permis grâce à l’Institut Mérieux qui avait installé un centre de sérum de bovidés aux abattoirs de Gerland. À travers cette histoire, on a des lettres poignantes de mères de famille qui remercient ou demande qu'on les aide.
« Des fonds en santé psychiatrique »
Plus largement, les Archives départementales et métropolitaines disposent de 25 fonds d’archives hospitalières et médicales. La santé est une de vos spécialités ?
Marie-Ange Villeret : Aux Archives départementales et métropolitaines, chaque archiviste a en charge en secteur particulier de collecte et développe une véritable expertise avec les services producteurs d’archives. Avant 2015, seuls deux fonds hospitaliers étaient conservés en nos murs. Une politique de collecte active et choisie des archives hospitalières a été mise en place. En dix ans, 25 établissements de santé sur le territoire du département du Rhône et de la métropole de Lyon ont été collectés soit presque 700 mètres linéaires. Les documents couvrent une période allant de 1280 aux années 1990 et témoignent de la vie des établissements de santé et des patients. Une attention particulière a été donnée aux archives des établissements de santé mentale.
Les Archives départementales et métropolitaines
Au sein du bâtiment de la rue du Général Mouton-Duvernet (Lyon 3), les Archives du Département du Rhône et de la Métropole de Lyon conservent plus de 56 kilomètres de documents papiers et numériques autour de l'histoire du territoire depuis le IXe siècle jusqu'à aujourd'hui.
Des milliers de documents issus des fonds des administrations publiques du Rhône sont conservés tout comme les archives notariales ainsi que des archives d'origine privée. Ces dernières ne sont pas automatiquement acceptées puisqu’elles doivent justifier d'un intérêt patrimonial et historique, sur délibération de l'assemblée compétente. Sont aussi conservés des cartes et plans, ouvrages et revues ainsi que l'état civil des habitants du territoire.