Informations pratiques
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Archives départementales et métropolitaines
34 rue du général Mouton-Duvernet
69003 Lyon
S'y rendre - Du 18 septembre 2025 au 28 mars 2026
- Entrée libre et gratuite

Les Archives départementales et métropolitaines accueillent une exposition sur le droit de vote des femmes, instauré le 21 avril 1944. Pourquoi cette exposition ?
Noémie Bréchot : Nous avons souhaité mettre en avant la Libération et le premier scrutin auquel les femmes ont eu le droit de participer lors des élections municipales du 29 avril 1945, il y a 80 ans. Cette exposition retrace le processus qui a permis l’instauration du droit de vote des femmes et de leur droit d’éligibilité puisqu'à l’issue de l’ordonnance du 21 avril 1944, les femmes ont pu s’exprimer dans les urnes, mais également être élues.
Quels sont les temps forts de cette exposition ?
N.B. : L’exposition présente dans un premier temps l’engagement des femmes dans la Seconde Guerre mondiale, aussi bien dans la Résistance que dans les forces armées. Nous abordons également la place des femmes dans la société à cette époque-là, le fait qu’elles travaillent. L’objectif est de montrer que les préoccupations des Français ne sont pas uniquement centrées sur cet enjeu, mais d’abord sur des sujets vitaux comme l’alimentation et le ravitaillement.
On entre ensuite dans une partie consacrée aux modalités du droit de vote et la manière dont il est mis en place. Comment par exemple inscrit-on dix millions d’électrices sur les listes électorales ? Comment les forces politiques et religieuses s’emparent de ce droit de vote ? L’exposition se conclut en faisant un focus sur les premières femmes élues dans le Rhône et leur parcours.
D’où proviennent ces archives et les ressources présentées ?
N.B. : Il y a des archives, objets et documentaires issus de nos fonds, mais aussi provenant du Centre d’histoire de la résistance et de la déportation de Lyon, du Musée d’Histoire militaire de Lyon, du Musée de la résistance et de la déportation de Besançon et de l’INA. On a souhaité valoriser un document en particulier, issu de nos fonds, qui est un rapport des Renseignements généraux de 1949 adressé à la préfecture du Rhône intitulé « La femme française dans la vie politique et sociale ». Il présente le rôle et la place de la femme dans la société française de l’après-guerre et nous permet de tisser un lien tout au long de l’exposition.
Le rôle des femmes pendant la guerre
L’instauration du droit de vote des femmes suit l'ouverture de la société française autour de l'émancipation des femmes ?
N.B. : Le droit de vote des femmes n’est pas instauré uniquement à la suite du rôle joué par les femmes pendant la guerre. L’accès des femmes à ces nouveaux droits naît d’un ensemble de revendications et de luttes depuis plusieurs décennies et remonte jusqu’à la Révolution française.
L’exposition fait référence à des femmes illustres comme Olympe de Gouges ou Lucie Aubrac. À qui doit-on vraiment ce droit nouveau ?
N.B. : L’exposition évoque effectivement plusieurs figures comme Olympe de Gouges qui rédige, au moment de la Révolution, la Déclaration des droits la femme et de la citoyenne. On aborde aussi le parcours d’Hubertine Auclert, écrivaine et journaliste, qui, dans la deuxième moitié du 19e siècle, met en place la grève de l’impôt, estimant que si les femmes n’ont pas de représentations légales, elles n’ont pas à être imposables. L’idée est de montrer qu’il y a plusieurs figures féminines qui se sont engagées en faveur d’un droit de vote, à l’image aussi des Suffragettes. Néanmoins, la figure du Général de Gaulle est absolument centrale dans l’accession des femmes au droit de vote, qui représentent 53 % du corps électoral au sortir de la guerre.
Evènements associés
Conçue par l’Institut d’histoire du temps présent et par les Archives départementales et métropolitaines, l'exposition Les femmes vont voter, octobre 1944 – octobre 1945 est complétée par une programmation d'événements associés autour des femmes et de leur place dans la société :
- Le 15 novembre prochain, une journée Ciné-Archives est organisée en lien avec le cinéma Comoedia avec la projection du film Les Suffragettes de Sarah Gavron le matin (10h45) et des visites guidées et libres de l'exposition l'après-midi (14-18h).
- Le 3 décembre (18h), dans le cadre des “Rendez-vous de l'Ina”, les Archives proposent la diffusion du documentaire Il suffit d'écouter les femmes de la réalisatrice Sonia Gonzales.
- Le jeudi 11 décembre (18-19h30), une conférence intitulée Une presse pour les femmes ? proposera de revenir sur ces sources historiques comme témoignages de l'histoire des femmes et des représentations des femmes et du genre.
- Le 22 janvier 2026 (18-19h30), une conférence mettra en lumière des femmes lyonnaises illustres au lendemain de la Révolution française avec Six Lyonnaises en Révolution : des citoyennes en minorité ? 1793-1794.

Quel rôle a eu la guerre dans cette évolution sociétale ?
N.B. : Les femmes se sont massivement engagées pendant la guerre dans une répartition genrée des rôles, comme secrétaires ou agents de liaison. Ces rôles et cet engagement ont été salués et reconnus par le général De Gaulle. L’engagement des femmes dans la Résistance a permis de faire prendre conscience du rôle des femmes dans la guerre.
On découvre aussi l'engagement d’une presse féminine didactique pour apprendre aux femmes à voter. Quel rôle a-t-elle joué ?
N.B. : La presse féminine joue un rôle absolument considérable, car elle permet d’abord aux femmes de prendre connaissance de ce nouveau droit. Étonnamment, les femmes ne l’apprennent que plusieurs mois après le 21 avril 1944, à l’automne 1944 par l’intermédiaire d’affiches sur les mairies et surtout d’articles de presse. La presse féminine joue alors un rôle très important en étant très didactique et pédagogue. Très tôt, elle s’engage et encourage les femmes à aller voter, notamment pour lutter contre la prostitution et l’alcoolisme.
« L’abstention est en effet une vraie crainte »
Comment est présenté ce nouveau droit dans la société ?
N.B. : On retrouve dans différents articles et journaux des injonctions à aller voter et le fait que les femmes doivent s’emparer de ce nouveau rôle politique et citoyen. C’est même le cas dans des journaux très traditionnels. Dans l’un d’eux, est d’ailleurs écrit : « Ne pas voter c’est admettre de ne compter pour rien dans un État. Dépêche-toi tu n’as plus qu’un jour ou deux pour aller voter ».
Comment s'est positionnée la religion à l'époque sur ce sujet ?
N.B. : La religion catholique s’engage très tôt en faveur du droit de vote des femmes avec l’organisation de conférences et formations. Elle s’appuie aussi beaucoup sur de nombreuses associations catholiques pour faire passer ces messages. Même si bien souvent, c’est le vote familial qui est mis en avant, c’est-à-dire un vote où le chef de famille voterait proportionnellement à la composition du foyer. Bien que cela participe à invisibiliser l’opinion politique des femmes.
Quelle a été d’ailleurs la participation des femmes lors des premiers scrutins ?
N.B. : L’abstention des femmes est en effet une vraie crainte. En 1951, pour les élections législatives, si les femmes constituent 54 % du corps électoral, elles forment 75 % des abstentionnistes. C’est seulement à partir des élections de 1986 que le taux d’abstention entre les femmes et les hommes devient identique. Aujourd’hui, l’enjeu se porte davantage sur la représentativité des femmes en politique.
