Les points écoute adulte, un dispositif qui démocratise l’accès à la santé mentale

Depuis la crise sanitaire, des points écoute adulte (PEA) ont été mis en place sur différents territoires de la métropole de Lyon. Gratuits, anonymes et confidentiels, ils visent à démocratiser et améliorer l’accès à un accompagnement en santé mentale pour toutes et tous.

  • Santé

Deux fauteuils installés autour d’une table basse, quelques plantes pour rendre l’endroit chaleureux … c’est ici qu’Anouk Cambecedes reçoit les personnes qui passent la porte du Point écoute adulte (PEA) de Givors. Depuis un an, la psychologue clinicienne a un bureau au sein du tout nouveau Tiers-lieu santé de la ville. Ici le PEA est ouvert les jeudis et vendredis. Comme à Givors, il existe 13 PEA sur l’ensemble du territoire de la métropole

Les points écoute adulte, ce sont des dispositifs gratuits, anonymes et confidentiels, qui offrent un accueil, une écoute et un soutien psychologique pour des personnes qui ressentent le besoin de parler avec des professionnels de santé mentale. Le dispositif est né pendant la crise sanitaire. À l’époque, la fondation ARHM (action recherche handicap et santé mentale) est mobilisée pour mettre en place un dispositif d’urgence pour répondre à l’émergence des problématiques de santé mentale liées à la crise sanitaire. 

« Au départ l’expérimentation portait sur quatre points écoute, mais nous nous sommes vite rendu compte qu’il existait un besoin au-delà de la crise sanitaire, que les personnes venaient pour des problématiques sous-jacentes à leurs conditions de vie », explique Lisa Fuzier, coordinatrice des points d’écoute. Aujourd’hui le dispositif a été pérennisé avec un co-financement de la Métropole, de l’Agence régionale de santé et de certaines communes. 

Chiffres clés

  • 13 PEA pour 15 communes de la métropole
  • 795 bénéficiaires (en 2024)
  • 44% habitent en QPV

     

Interlocuteur direct

Les PEA sont implantés uniquement dans des territoires qui possèdent des quartiers prioritaires de la ville (QPV), car ils s’adressent à des personnes précaires et vulnérables, qui n’auraient pas les moyens d’accéder à des soins en santé mentale en libéral et qui résident sur ces dits territoires. « Les personnes que je reçois sont souvent dans une grande précarité sociale et/ou une insécurité économique », explique Anouk Cambecedes, psychologue sur le PEA de Givors-Grigny-sur-Rhône (photo). 

Le lien avec les acteurs du territoire (Maisons de la Métropole, centre social, associations, centre d’accompagnement au travail, professionnels de santé libéraux etc) est donc essentiel, car bien souvent, ce sont eux qui vont orienter les personnes vers les PEA. Ici pas de secrétariat ou d’agenda en ligne, le numéro ou l’adresse mail dédié à chaque territoire permet de rentrer en contact directement avec la psychologue qui intervient sur le PEA. 

« Avec toutes les plateformes qui naissent de partout où les personnes sont plutôt en lien avec des répondeurs téléphoniques, on tient beaucoup à ce lien direct », souligne Émeline Furbacco, psycholoque sur le PEA de Saint-Priest. Ce premier contact permet notamment de déterminer si l’accompagnement proposé par les PEA peut correspondre aux problématiques rencontrées par les personnes. « On voit des personnes avec des troubles anxieux et/ou des symptômes dépressifs, des difficultés relationnelles, souvent avec des situations de violences intrafamiliales. Certains rencontrent des difficultés dans leur rapport au travail, à la santé. Ils peuvent être dans une insécurité financière ou vis-à-vis du travail, en deuil, etc. Je reçois de plus en plus d’aidants également », détaille Anouk Cambecedes. Pour beaucoup, les difficultés psychosociales sont cumulatives.

Profil des bénéficiaires

  • 80% de femmes
  • 45% a entre 30 et 49 ans (32% 50-70 ans, 17% 18-29 ans, 4% plus de 71 ans)
  • 35% de personnes seules
  • 30% famille monoparentale
  • 33% sans emploi,
  • 21% en emploi,
  • *rapport d’activité PEA 2024

Implantation territoriale

Un suivi individualisé est donc mis en place, au cours duquel la personne va être reçue par la psychologue régulièrement pendant un temps donné. « C’est une écoute et un échange. On va essayer de soulager une pression, une émotion importante et les faire réfléchir sur les leviers d’action à leur hauteur », explique Anouk Cambecedes.

 « On peut aussi mettre en place un accompagnement parallèle, ajoute Lydie Désage, psychologue sur le PEA de Saint-Priest, Oullins-Pierre-Bénite et Saint-Genis-Laval. On peut les aider à mettre en place d’autres étayages, car il n’est pas rare qu’ils arrivent avec une problématique, mais qu’on se rende compte qu’ils auraient besoin d’un accompagnement supplémentaire ». 

Et c’est là que l’implantation territoriale et tout le travail partenarial des PEA prend tout son sens et fait la force du dispositif. 

 Il y a un travail conséquent réalisé par les psychologues en lien avec les acteurs du territoire pour pouvoir orienter.

Lisa Fuzier, coordinatrice des points d’écoute

Car à l’heure où de nombreux CMP (centres médico-psychologiques) ne prennent plus de nouveaux patients et où les ressources en soins psychiques sur les territoires sont saturées, la question de la réorientation est la plus compliquée.  « Nous voyons beaucoup de personnes qui sont très isolées socialement. J’oriente donc beaucoup sur les associations, les centres sociaux, pour les ouvrir à des activités qui ne sont pas juste occupationnelles, mais qui permettent de créer du lien social, de sortir de chez soi. À Saint-Priest, par exemple, le sport adapté est accessible et nous pouvons orienter les personnes suivies dans le cadre du PEA vers ce dispositif. C’est la richesse du PEA de pouvoir faire ces liens-là », détaille Émeline Furbacco. « Cette dimension partenariale est un peu nouvelle dans les dispositifs de soins psychiques, mais elle est très intéressante », souligne Anouk Cambecedes.

Déstigmatiser les soins de santé mentale

Et c’est ce qui permet aussi aujourd’hui aux PEA d’être un acteur identifié dans le paysage de la santé mentale sur les territoires, par les autres acteurs et par les habitants. Un dispositif qui contribue à démocratiser l’accès à la santé mentale. « C’est une tranche de la population qui peut souvent passer inaperçue aux yeux des professionnels de santé mentale. En effet, ses problématiques ne sont pas suffisamment sévères pour justifier une prise en charge en psychiatrie de droit commun et elle manque aussi de ressources nécessaires pour consulter en libéral. Ce sont donc des personnes qui initialement ne consultent pas », analyse Lisa Fuzier. 

Preuve en est, la majorité des personnes reçues sur les PEA consulte pour la première fois un professionnel en santé mentale. « Le dispositif a été travaillé pour être le plus accessible possible avec le moins de freins », ajoute Lisa Fuzier. Car au-delà de l’accès aux soins, c’est aussi une question de déstigmatisation qui se joue. D’où l’importance d’être dans des lieux plus neutres. « Nous sommes implantés dans des lieux qui ne sont pas liés aux soins psychiques pour leur permettre de venir plus facilement », note Lydie Désage.

Le but du point d’écoute est de donner aux habitants du territoire un repère où on peut parler de souffrance psychique. Et le bouche à oreille joue un rôle essentiel pour lever ce tabou autour de la santé mentale. « Les mamans se parlent des PEA, ce qui permet aussi de normaliser le fait de voir un psy. Selon les systèmes familiaux, les cultures, cela reste un tabou, une honte. Il y a encore beaucoup de travail à mener sur ce sujet, notamment pour que les hommes puissent aussi s’autoriser ces soins-là », souligne Émeline Furbacco. Un défi alors que 80% des personnes reçues sur les PEA sont aujourd’hui des femmes.  

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