On le découvre en devenant parent : il n’y a pas de formule magique pour élever un enfant. Certes, on reçoit dès la maternité, bon nombre de recommandations ou d’injonctions. Mais quand la pratique ne colle pas à la théorie, cela peut vite donner le sentiment de ne pas être à la hauteur. Et même, plonger certains parents dans la détresse. Le programme Y’APP permet de les accompagner.
Ce jour-là, une dizaine de personnes, essentiellement des femmes, sont réunies à la Maison de quartier Saint-Clair de Caluire-et-Cuire. Les chaises sont placées en cercle et la conversation s’installe. « En tant que maman solo, on se demande toujours si on fait bien », dit Sandrine, la première à prendre la parole. Depuis qu’elle participe à ces rencontres, cette mère d’un petit garçon de deux ans reconnaît que cela lui a permis de déculpabiliser : « L’échange avec les autres mamans fait du bien ». À ses côtés, Jenny, son fils endormi dans les bras va dans le même sens :
Je me rends compte que je ne suis pas si nulle que ça !
Jenny, jeune mère de famille
Aider au lieu de juger
Les sessions se déroulent en groupe, favorisant ainsi le partage d’expérience mais aussi l’entraide. « Chaque parent est différent, on fait selon leurs besoins et leurs questionnements. Ce type d’accompagnement donne envie d’apprendre et de trouver des solutions ensemble », souligne Morgan Radford, responsable de l’association Concilia’bulles, qui porte le programme Y’APP. Assistante sociale de formation, elle a importé le concept du Canada, son pays natal, dans lequel le dispositif est en place depuis 38 ans.
27 groupes d’une dizaine de personnes sont actuellement accompagnés dans la métropole lyonnaise. Les participants s’engagent à venir deux heures par semaine, pour cinq à six séances, animées par un intervenant qualifié. Il ne s’agit pas seulement de restaurer l’estime de soi mais bien de renforcer les compétences parentales et d’en acquérir de nouvelles. Toutes les questions liées au développement de l’enfant et à l’éducation sont abordées. « J’ai pu consolider le lien avec mes enfants en favorisant l’échange avec eux, en essayant de me rendre plus disponible », relate Sandy.
Lina, elle, regrette d’avoir dû traverser une sévère dépression post-partum avant d’intégrer le groupe de parole, orientée par la directrice de la crèche de ses enfants auprès de laquelle elle avait décidé de « vider son sac ». « C’est dommage que dans les maternités, on ne fasse pas le point sur tous les dispositifs qui existent ».
La Protection maternelle et infantile (PMI), pilotée par la Métropole de Lyon accompagne les parents dans le cadre de consultations médicales pour les femmes enceintes et les nourrissons. Dans les Maisons de la Métropole de Lyon, les parents peuvent aussi échanger avec des infirmières puéricultrices, lors d’ateliers ou de visites à domicile. Ils peuvent également trouver du soutien auprès de psychologues. La PMI porte une attention particulière aux familles les plus vulnérables (parents en difficulté de santé, en situation de précarité, enfant prématuré…).
La collectivité soutient d’autres associations intervenant dans ce domaine. Notamment les Apprentis d’Auteuil qui gèrent les maisons des familles de Vaulx-en-Velin et Villeurbanne. « Nous poursuivons ainsi notre mission de soutien à la parentalité en offrant des ressources concrètes et adaptées aux besoins de chaque famille », rappelle Lucie Vacher, vice-présidente déléguée à l’Enfance, la famille et la jeunesse.
Égalité des chances
Le financement de ce programme intervient dans le cadre du Pacte des solidarités et de son premier axe : « Prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l’enfance ». Marie-Sophie Barthet-Derrien, directrice de la PMI estime que ce type de dispositifs basés sur la pair-aidance « contribue à jeter les bases d'un parcours de vie positif dès la naissance et à limiter le cycle des inégalités de destin ».
On connait l’importance des 1000 premiers jours de l’enfant, pendant lesquels ses compétences psychosociales se développent. « C’est important de venir consolider la relation parent-enfant à cette période-là, ajoute Lucie Vacher. Ça permet d’intervenir en prévention de façon précoce avant qu’il y ait des difficultés ».
Des actions spécifiques sont également développées pour des publics particuliers, comme les parents d'enfants en situation de handicap ou ceux suivis par l’Aide sociale à l'enfance . « Ça me donne des clés de compréhension et je peux mieux anticiper les problématiques auxquelles sont confrontées les familles que j’accompagne », explique Juliette assistante sociale pour l'ASE.
Reste que ces groupes de paroles sont suivis par une majorité de femmes. Quand les questions abordées concernent toute la famille. « On accueille les papas à bras ouverts », rappelle Morgan Radford.
La PMI au plus près des parents
En 2023, près de 18 879 enfants ont été suivis, en lien avec leurs parents, par les services de la Protection maternelle et infantile de la Métropole de Lyon et 779 animations collectives ont été organisées sur l’ensemble du territoire.