Un costume à collerette blanche bouffante, un maquillage qui rappelle la face de la lune et vous reflète la voie lactée et une présence imposante et poétique. Zanni Lalune est une apparition qui vous transporte immédiatement dans un autre univers.
Derrière ce personnage drag, Max, 37 ans. Originaire du sud de la France, il est arrivé à Lyon il y a sept ans. Et après une première carrière professionnelle, principalement dans la communication, depuis novembre dernier, il se consacre entièrement au drag.
Des parcours artistiques et militants liés
Ses premiers contacts avec le drag se font très jeune au travers du restaurant familial. « Nous avions un commis de cuisine qui faisait du drag et une fois par an pour l’anniversaire du restaurant, il faisait un spectacle. Je devais avoir huit ans. Je regardais ça avec des yeux émerveillés », raconte-t-il.
Puis il découvre vraiment la scène drag en tant que jeune adulte à Montpellier quand il commence à sortir. Mais à titre personnel, il mettra du temps à s’autoriser à sauter le pas.
« J’ai toujours aimé me déguiser et me maquiller, d’ailleurs, je suis né à Halloween. Mais au départ, je me maquillais un peu, et puis de plus en plus. J’étais quand même pétri de pas mal de stéréotypes. Quand ça fait 20 ans que tu vis d’une certaine façon ta vie gay, c’est normé et ça peut être difficile d’en sortir. Mais au fur et à mesure des rencontres, tu t’autorises davantage, tu apprends de nouvelles choses, tu t’ouvres de nouveaux horizons », confie-t-il.
En arrivant à Lyon notamment, il découvre un milieu queer avec des espaces plus mélangés. Et il va aussi s’investir dans le champ associatif et militant, ce qui va finalement constituer une porte d’entrée vers le drag. Il intègre notamment les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Association née dans les années 70 à San Francisco, ces nonnes drag Queen font un travail de prévention, en santé sexuelle notamment, en intervenant auprès des populations LGBTQIA+ lors de soirées ou différents événements.
C’est une approche bienveillante qui se fait dans la joie, on va lutter, mais de façon festive
Zanni Lalune,
Et le drag est venu avec, « les sœurs m’ont permis de faire sauter le verrou et de passer cette étape pour laquelle j’étais hésitant. Comme j’avais une cause, c’était plus facile d’y aller ».
Les différentes faces de Lalune
Si au départ, Max n’a pas de personnage défini, Zanni va naître à l’occasion de la soirée Garçon Sauvage du jour de l’an au Sucre, il y a cinq ans. « Pour l’occasion, je me suis pris la tête pour essayer de pousser et définir un peu plus mon look. »
Passionné par l’esthétique baroque et la Commedia dell’Arte, Max a grandi notamment avec les images des tableaux de Pierrot la lune, « un peu kitsch » qui se trouvaient chez sa grand-mère. « J’ai toujours aimé les clowns un peu tristes donc j’ai décidé de me tourner vers ça ».
Et au moment de chercher un nom, il découvre que dans la Commedia dell’arte les personnages comme Pierrot ou Arlequin sont appelés les zannis. « Ce sont ces personnages qui sont en réalité les prolétaires et qui, sous couvert de passer pour le stupide ou le mesquin, viennent remettre en doute l’ordre établi, la bourgeoisie, l’église. » C’est comme ça qu’il choisit le nom de Zanni Lalune.
Sa première apparition dans ce nouveau persona est un succès et Max peut vraiment s’épanouir à travers lui et dans le drag en général. « J’ai adoré cette sensation. C’est très libérateur. Je respire, je m’amuse et personne ne me tient rigueur de plein de choses. Le rapport avec le public est différent, plus festif. »
On est quelqu’un d’autre, on représente autre chose et cela amène une libération de la parole.
Zanni Lalune,
Ce n’est qu’en 2022 qu’il débute les performances et puis une première scène en entraîne une autre puis une autre et aujourd’hui il se consacre totalement à son art. Depuis, avec le collectif La Cousinade, il organise également ses propres événements.

Zanni, c’est un clown triste qui peut être un peu caustique. « Le fond est toujours bienveillant, la forme toujours un peu dans l’attitude. » Séducteur sans sexualiser, il est d’après la définition de son créateur « un peu céleste et un peu barré ».
Mais si vous croisez Zanni, lors d’un événement, vous pourrez tomber sur une version différente. Ce dernier a trois univers. La version pleine lune, très clownesque et connectée à son gamin intérieur. Joyeux et prêt à rire des bêtises.
Le Pierrot lunaire, plus triste avec une parole plus militante qui va partager des thèmes plus lourds. Et la lune noire qui permet à Max d’exprimer sa passion pour les films d’horreur et de développer un humour « camp ».
Une visibilité utile
À la Cité des Halles, le 16 juin, petits et grands auront l’occasion de croiser la version pleine lune de Zanni. Dans le cadre du Mois des Fiertés et des événements organisés par la Métropole de Lyon, Zanni Lalune sera présent avec son complice Félusine pour des lectures de contes à destination des enfants de différents âges. « J’ai commencé les lectures drag l’année dernière et c’est vraiment quelque chose que j’adore. On présente des bouquins inclusifs et adaptés aux âges qu’on raconte en exagérant tout », explique-t-il.
Un moment joyeux qui donne souvent lieu à des échanges et des interactions précieux. « Nous avons toujours plein de questions hyper farfelues. Nous sommes un peu comme des personnages de dessins animés pour les gosses. Ils ont très peu intégré les stéréotypes de genre et c’est complètement normal pour eux de venir avec une robe à paillettes. »
Et au-delà de cette rencontre enchantée avec les enfants, pour celui qui confie ne pas dissocier son parcours militant et artistique, cela fait aussi sens de donner de la visibilité à la scène drag pendant le Mois des Fiertés.
À mon sens, le drag est un art politique. C’est une réaction directe à une certaine forme d’oppression.
Zanni Lalune,
« On fait du bruit, on est visible de loin, donc à un moment donné, il faut que ça serve », souligne-t-il.
« On voit que les droits ne tiennent à rien, donc c’est important d’utiliser cette visibilité pour le bien commun. Et à mon échelle, si pendant ma carrière ne serait-ce qu’une personne vient me voir à la sortie d’un show pour me dire : ça m’a fait du bien, ça m’a aidé. J’ai tout gagné. »
Glossaire
- LGBTQIA+ : Lesbienne, Gay, Bisexuel·le, Trans, Queer, Intersexe et Asexuel·le. Le + symbolise l’ensemble des sous-groupes non cités au préalable et qui peuvent exister dans le champ des orientations sexuelles et/ou de genre.
- Drag : forme d’expression artistique, utilisant notamment le vêtement, le maquillage, la coiffure et l’expression scénique. Servant de moyen pour explorer et questionner les normes de genre et de sexualité, principalement à des fins de performance artistique, de divertissement et/ou d’expression personnelle. Il existe différents types de drag. Les drag queens notamment, vont interroger et interpréter les rôles et codes féminins et les drag kings ceux masculins.
- Camp : style utilisé dans les arts vivants qui est volontairement provocateur, parfois grotesque, exagéré, très en opposition avec les normes.
- Lectures drag : performances artistiques où des artistes utilisent le drag pour interpréter des œuvres littéraires de manière créative et théâtrale. Ces performances combinent souvent des éléments de comédie, de théâtre et de satire.