« Documenter la jeunesse des quartiers populaires »
Que cherchez-vous avec ces ateliers podcasts ?
À l’origine, je suis photographe documentaire. Ma thématique de prédilection depuis quatre ans est de documenter la jeunesse des quartiers populaires dans la métropole de Lyon. Cet été, j’ai souhaité faire un podcast autour des rêves et des ambitions des jeunes. À force d’être avec eux, je me suis rendu compte que c’étaient des jeunes qui s’exprimaient beaucoup par la parole, ils sont dans l’oralité. L’année dernière, j’étais ici pour photographier et je souhaitais prolonger ce travail par le son en leur laissant l’opportunité de s’exprimer en toute liberté.
Nous sommes dans le 8e arrondissement au gymnase Régine Cavagnoud où se tient pendant l’été Oasis Lyon 8 un programme d’animations culturelles et sportives. Pourquoi ce lieu en particulier ?
Le lieu draine beaucoup de monde de tous les âges, de 5 à 25 ans mais aussi des parents, des familles. Il y a une grande diversité de parcours parmi les gens qui viennent ici. C’est un super endroit pour tendre le micro et aller chercher des témoignages sur les rêves et les ambitions de cette jeunesse. Ce sont des questions assez basiques sur la manière dont les jeunes se projettent dans l’avenir, comment ils se voient dans dix ans, quels sont leurs projets personnels. Je cherche particulièrement à déceler une fibre entrepreneuriale dans leurs témoignages.
Pourquoi cette dimension entrepreneuriale particulièrement ?
Au cours de mes reportages photo, je me suis rendu compte que les jeunes de 16 à 25 ans, qui sont pour beaucoup en difficultés d’insertion, sont dans la débrouille, dans des stratégies d’adaptation et parfois dans l'illégalité. Dans ces situations, les jeunes des quartiers mobilisent des compétences pour avancer. Si on est capable de vendre de la contrefaçon, on est capable de vendre légalement ou d’avoir un magasin. Il y a des ressorts communs. On essaie de les projeter là-dedans. On est dans une optique où eux peuvent aussi s’exprimer, se valoriser aux yeux de la société à travers l’expression orale.
« Il y a une diversité d’envies, de projets et d’aspirations. »
Comment les jeunes se saisissent-ils de cet espace d’expression ?
Ce sont pour beaucoup des jeunes garçons marginalisés, qui ont des démêlés personnels mais aussi parfois avec la justice, qui sont aussi déscolarisés et donc dans une situation de précarité. Il suffirait de peu pour les remettre sur la bonne voie. Entre une enfant de sept ans et un gars de 22 ans, on n’est pas du tout dans les mêmes problématiques. Leurs attentes, leurs rêves et la manière dont ils se projettent ne sont pas les mêmes. J’ai l’exemple d’un petit de huit ans dont le rêve est de devenir commentateur sportif et de l’autre, des ados, qui jouent au foot et veulent faire carrière. Il y a une diversité d’envies, de projets et d’aspirations.
Que racontent-ils ?
Au global, les jeunes se projettent beaucoup dans le sport, dans le foot notamment chez les filles. La boxe aussi revient souvent avec des envies personnelles de performer dans la pratique sportive ou en plan B d’être éducateur sportif. Il y aussi un mythe récurrent autour de Dubaï, de s’expatrier. Et des velléités chez les jeunes de s’orienter dans la médecine. Il y a cette image d’Épinal que faire médecine, c’est la réussite assurée. Enfin, il y a toute une partie des jeunes qui sont dans une absence de projection, qui vivent au jour le jour, sans s’interroger sur l’avenir. Ça me pose question quand on a seize ans de n’avoir aucun projet.
Quel lien faites-vous entre photographie et podcast ? Il y a une complémentarité entre les deux formats ?
J’aimerais que mon projet aboutisse sous la forme d’une exposition photo où le son aurait aussi sa place comme un complément de la photo. Après, je pourrais aussi exploiter la matière sous la forme d’écrits dans le cadre d’un bouquin par exemple.
Je suis dans un rôle d’échange, de compréhension. Sur l’atelier podcast, je fais tout pour que les jeunes s’approprient l’atelier avec l’idée que je m’efface et qu’ils puissent s’interroger entre eux sur leurs rêves et leurs ambitions. Ils ont une pleine liberté de parole. Plein de jeunes n’hésitent pas à prendre le micro. Un jeune, Nassim, n’a pas eu peur d’aller interviewer le maire du 8e arrondissement pendant 20 minutes. Ils sont hyper à l’aise alors qu’ils n’ont pas l’habitude de cet exercice.
Métropole Quartier d'été
En juillet et août, la Métropole de Lyon organise pour la cinquième année consécutive le programme Métropole Quartiers d'été, destiné à proposer aux habitants des quartiers prioritaires et des quartiers populaires métropolitains des activités ludiques, culturelles et sportives (gratuites et payantes). Avec plus 62 000 participants en 2024, le programme propose cette année près de 200 activités organisées.
L'ensemble des quartiers prioritaires de la ville (QPV) et quartiers populaires métropolitains (QPM) accueillent des activités proposés dans le cadre du programme Métropole Quartiers d'été et de Métropole vacances sportives.